Apprentissage et scolarisation, l’école à la croisée des chemins
« Apprentissage en crise »; c’est le constat fait par la Banque Mondiale dans son rapport sur le développent dans le monde 2018 (voir:https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/28340/…). Il apparaît que même après avoir passé plusieurs années sur les bancs d’école, des millions d’enfants ne peuvent ni lire, ni écrire, ni effectuer des opérations de mathématiques élémentaires.
Etat des lieux
Apprentissage et scolarisation ne vont pas de pair dans bon nombre de pays. Au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda, 75 % des élèves de troisième année du primaire (8-9 ans) ne savent pas lire une phrase aussi simple que » Le nom du chien est Fido ». Dans les zones rurales de l’Inde, la moitié des élèves de cinquième année du primaire (10-11 ans) sont incapables d’effectuer une soustraction à deux chiffres comme (45-17). Au Brésil, les élèves âgés de 15 ans ont amélioré leurs compétences, mais au rythme actuel de leur progression, ils n’atteindront pas la note moyenne en mathématique des pays riches avant 75 ans, et il leur faudra plus de 263 ans pour la lecture.
Il en resort que « aller à l’école primaire ou secondaire, obtenir un certificat ou un diplôme ne signifie pas nécessairement avoir beaucoup appris ». Scolarisation n’est donc pas synonyme d’apprentissage. Or, sans apprentissage, l’éducation ne pourra pas réaliser sa promesse d’élimination de la pauvreté et de promotion des mêmes chances et d’une prospérité partagée pour tous.
Les causes
Le rapport met en cause d’une part, l’existence d’enseignants parfois aussi ignorants que leurs élèves, un taux d’absentéisme très élevé chez les enseignants, la malnutrition et le manque de fourniture. IL souligne d’autre part le fait que les syndicats d’enseignants, un secteur dans lequel le taux de corruption est souvent élevé, sont réfractaires à toute réforme. Qui plus est, d’importantes parts des budgets dévolues à l’éducation au lieu de profiter aux écoliers, sont détournées par les bureaucrates qui contrôlent le système.
En somme, « Les pays en développement sont loin du niveau auquel ils devraient se trouver en matière d’apprentissage. Beaucoup n’y consacrent pas suffisamment de moyens financiers, et la majeure partie doit investir plus efficacement. Mais il ne s’agit pas simplement d’argent : les pays doivent aussi investir dans les capacités des institutions et des individus chargés d’éduquer nos enfants », affirme Jaime Saavedra, un ancien ministre de l’Éducation au Pérou désormais directeur principal pour l’éducation à la Banque mondiale
Les solutions
Le rapport recommande de faire de l’apprentissage un objectif sérieux et non de politique politicienne. Les rédacteurs estiment qu’il faut mettre l’école au service de l’ensemble des apprenants en attirant des talents dans l’enseignement et entretenir leur motivation en offrant aux enseignants une formation adaptée qui est renforcée par le concours de mentors.
Ils préconisent par ailleurs le déploiement de technologies qui permettent aux enseignants d’enseigner en tenant compte du niveau de l’élève et renforcer les capacités de gestion des établissements scolaires, notamment celles des directeurs d’école.
Le rapport suggère également de, non seulement mobiliser tous ceux qui ont un intérêt dans l’apprentissage en ayant recours à l’information et aux indicateurs pour mobiliser les citoyens; mais aussi, accroître l’éthique de responsabilité et créer une volonté politique en faveur de la réforme de l’éducation.
En fin, il est fortement conseillé d’impliquer les parties concernées à toutes les étapes de la réforme, de sa conception à sa mise en œuvre.
Au Sénégal, ce rapport devrait donner à réfléchir aussi bien du côté du gouvernement que celui des syndicats d’enseignants. Entre 2000 et 2005, le taux brut de scolarisation en primaire a augmenté de 66% à 78%. Néanmoins, de plus en plus d’élèves arrivent en fin du cursus élémentaire (CM2) sans pouvoir lire et/ou comprendre un simple texte (voir https://ierc-publicfiles.s3.amazonaws.com/public/resources/EGRA…). Le système est miné par des grèves cycliques initiées par les syndicats d’enseignants pour réclamer, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’application d’accords signés depuis des années.
Une revalorisation de la fonction enseignante ainsi que l’utilisation des langues nationales comme langues d’instruction s’imposent. Ce sont là les gages pour que les élèves puissent avoir à nouveau confiance envers les enseignants et le gouvernement. C’est alors, et alors seulement qu’ils pourront retrouver le sentiment perdu de l’utilité des apprentissages.
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